Étretat : Un site méconnu ?

Étretat …


Photo : Easy-Voyage.

Site éminemment connu en Normandie pour ses majestueuses falaises d'albâtres, murailles infranchissables balayées par les vagues et les vents.

Comment rester impassible devant cette arche, cette porte ouvrant sur l'océan infinie, promesse d'un Avalon lointain. Son immense voisine, l'aiguille, en garde l'entrée depuis des millénaires.

Cependant, quand vous serez sur la falaise d'Amont entrain d'admirer ce magnifique paysage entre deux groupes d'américains et de chinois, pensez à vous retourner.

De l'autre côté, il n'y a que de mornes plaines sans trop d'intérêts … Mais qui songerai justement que sur ces terres, il y avait une forteresse celte où pouvait vivre toute une communauté de pêcheurs, de marchands et de guerriers.


Carte : Google-maps.

L'oppidum de Bénouville (du nom de la commune voisine d'Étretat) se situe sur un éperon barré, isolé au nord par la falaise, au sud et à l'ouest par la vallée et barré du côté de la plaine par un rempart de terre avec fossé. Le rempart ne fait plus que 2 mètres de haut et la superficie de la forteresse est d'une soixantaine d'hectares. Sachant qu'une partie a pu tomber dans la mer, comme c'est le cas pour beaucoup d'oppida de la côte normande.

Cet oppidum ne fut pas fouillé. Cependant, il a certainement été établit ou ré-établit au Ier siècle av. J.-C., comme tous les autres que l'on a retrouvé en Normandie. La plupart des oppida furent ré-occupés à cette période là certainement dans un besoin de protection vis-à-vis de l'arrivée des troupes de César mais aussi des raids germaniques qui venaient par terre ainsi que par mer (Eh oui, les Vikings et les Saxons ne furent pas les premiers pirates à venir faire un tour en Normandie ).

L'Oppidum fut peu à peu abandonné après la conquête romaine et la population s'installa dans la vallée (où elle devait être avant les bouleversements du Ier siècle avant notre ère).

Étretat fut donc fondé et c'était à l'époque un sympathique petit bourg gallo-romain, avec des villas, un aqueduc, un port d'échouage, … On a retrouvé, dans les fouilles, une ancienne fontaine vénérée appelée « Olive », ainsi que plusieurs objets à destination religieuse tels que des cuillères à encens, des clochettes en bronze et deux vases en argent représentant Mercure avec ses pieds ailés. (Il sera certainement évoqué plus tard sur le forum l'importance de Mercure/Lougos chez les gallo-romains).


Photo du rempart de terre dont il ne reste qu'une élévation de 2 mètres de hauteur. Ce rempart barre entièrement le plateau de Bénouville.

Près de l'oppidum, de l'autre côté d'un vallon, on a également retrouvé une nécropole celte du IV – IIIe siècle av. J.-C. Elle était constitué de tombes assez riches comportant des torques, des éléments de parures et des monnaies gauloises.

Un peu plus loin, sur l'éperon d'Épivent, on a retrouvé un dépôt de hachettes en bronze. (Officiellement une dizaine, mais plusieurs centaines se trouveraient dans les collections personnelles de certains locaux). Ce fut certainement une offrande aux dieux.

Encore au-delà, dans les terres, l'arrière-pays d'Étretat fut occupé dès le Néolithique. On y fait mention d'un dolmen, dont les pierres ont disparu sauf une qui a servi de socle au calvaire de la station balnéaire. Il y a également des légendes de tumulus, certainement détruits depuis longtemps.

Bénouville fut un peu marqué par son oppidum. Tout comme pour la Cité de Limes à Dieppe, des légendes y sont rattachés. Les anciens villageois, qui avaient  une réputation de sorciers sur la côte, y racontaient des histoires de dame-blanches et de chevaux ensorcelés courant se jeter du haut des falaises …

De semblables histoires de dames blanches se retrouvent du côté de la Porte d'Aval. Notamment avec la légende de la Chambre des demoiselles.

Ainsi, voici un site dont le paysage émerveille tellement qu'on en oublie qu'ici aussi, il y a de l'Histoire.

A chaque fois que je vais y faire un tour, je ne cesse de songer que 2000 ans avant moi, il y avait aussi des Hommes qui se sont installés ici et qui ont admiré ce paysage …





Sources :

Rogeret I., Carte Archéologique de la Gaule : Seine-Maritime 76/1, Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 1998, p. 241.

Abbé Cochet, la Seine-Inférieure historique et archéologique : Époques gauloises, romaines, franques, Éditions Page de Garde, 1864, p. 358.